Confinement au Paradis Part 2

Début avril 2020

Nouvellement de retour à George Town, Exumas, Bahamas après notre tentative ratée de descendre au sud avec le voilier (voir https://svaircool.com/2020/06/05/confinement-au-paradis-part-1/. À cause de la COVID-19, les règles se resserrent de plus en plus partout dans le monde et évidemment aux Bahamas c’est la même chose. On peut déjà comprendre que cette crise sera majeure pour le monde entier.

À distance, on voit la mobilisation au Québec pour les travailleurs de la santé, domaine dans lequel plusieurs de nos amis et anciens collègues travaillent. On envoie des messages d’encouragement à nos amis, on partage des vidéos inspirantes d’initiatives faites dans les résidences privées pour ainés. On partage des arcs-en-ciel de solidarité et on dit que ça va bien aller. Bref on vit la crise comme vous au Québec.

De notre côté, sur le Air Cool, on va rapidement faire une grosse épicerie de frais au Exuma market car on sent que ce sera probablement la dernière pour longtemps. Nous n’avons plus le droit de naviguer entre les iles et j’ai dû demander une permission spéciale à la Royal Bahamas Defence Force afin de revenir à George Town. Nous avions pris des captures d’écran de la permission obtenue sur tous nos appareils électroniques au cas ou nous nous ferions arrêter…

Au cas ou nous nous ferions arrêter par la force navale des Bahamas

Je reçois maintenant presque à chaque jour des courriels du Canada demandant à ses ressortissants de rentrer au pays.  Donc chaque jour, Marc-André et moi avons une conversation sur la meilleure décision à prendre.  On dort mal, moi particulièrement.  Chaque jour nous voyons des bateaux partir de l’ancrage de George Town afin de quitter le pays. 

Quelle est la moins pire des décisions à prendre à ce moment-ci? Nous ne pouvons pas sortir le bateau de l’eau ici, nous trouvons que c’est beaucoup trop exposé aux ouragans. Nous commençons à nous dire que nous pourrions attendre un peu et remonter le bateau au Canada par l’océan, ce qui est toute une expédition. Il est de toute façon trop tôt pour ce genre de navigation dans l’Atlantique Nord car il pourrait y avoir des icebergs!

L’autre option est de rebrousser chemin complètement et ramener le bateau au Québec par l’est des États-Unis, donc se retaper l’intracoastal, le frette, la baie de Chesapeake et son imprévisibilité, les écluses (si elles ouvrent), tout ça au plus intense de la pandémie.  Juste d’y penser ça nous donne envie de couler le bateau alors cette option est écartée assez rapidement merci.

La moins pire des options serait donc de retourner en Floride avec le bateau, le faire sortir de l’eau et de revenir par un moyen quelconque au Québec. Les locateurs d’auto sont fermés. Les aéroports aussi. La tante de Marc-André, toujours pleine de ressources suggère que nous pourrions remonter l’auto d’un snowbird ayant du quitter précipitamment la Floride. Elle nous réfère un groupe facebook et voilà que nous avons un plan B viable. C’est juste 1 journée de navigation d’ici si ça vire vraiment mal.

Nous avons par contre toujours espoir que les frontières réouvrent au sud, mais cette option est de moins en moins probable. Nous écoutons religieusement les allocutions du Premier ministre des Bahamas qui sont de plus en plus dramatiques et avec les autres boaters, décortiquons chaque parole de ses allocutions. Plusieurs plaisanciers ont pu expérimenter différentes interprétations de la Loi par les autorités des Bahamas et les récits pas très agréables commencent à être publicisés sur les réseaux sociaux.

Ici à George Town, le gouverneur de l’Ile est très pro-boaters car les touristes en bateau sont un gros moteur de l’économie des Exumas et la communauté a un très bon lien avec lui. Un protocole clair pour les plaisanciers s’en vient sous peu. On décide donc d’attendre mais plusieurs bateaux quittent de peur que les règles soient encore pires. On s’y attend aussi mais rendu là, sur le Air Cool nous sommes prêts à tout. On stresse aussi pour notre visa qui expire sous peu et que sans prolongation, nous serons illégalement dans un autre pays.

Comme de fait, le 14 avril, le fameux protocole sort. Surprise, les plaisanciers n’ont plus le droit du tout d’aller à terre. Genre zéro. Tu ne peux plus sortir de ton bateau. Dans l’ancrage c’est la panique totale. Cela veut dire que tu ne peux plus aller faire ton épicerie, tu ne peux plus disposer de tes déchets, plusieurs n’ont pas de machine pour faire de l’eau donc ils ne pourront que compter sur leurs réserves actuelles. Les plaisanciers avec des chiens ne peuvent plus aller faire faire leurs besoins à terre et pire nous ne pouvons plus débarquer du bateau même si nous avons une ile déserte devant nous.

Une chance que Fluffy est un chien qui s’adapte bien, elle a renoué avec son tapis gazon pour ses besoins mais avec plus ou moins d’enthousiasme haha. Également, le Premier ministre en profite pour ajouter que les non bahamiens ne pourront dorénavant pas se faire soigner aux Bahamas. Point barre. De toute façon en isolement sur notre bateau, les chances d’attraper la COVID sont plutôt faibles alors cette nouvelle ne nous énerve pas trop, on fait avec.

Petite parenthèse ici, nous trouvons que les Bahamas ont très bien géré leur risque COVID et comprenons pourquoi ces règles ont été mises en place.  Celle-ci étaient très sévères autant pour les locaux que pour les plaisanciers mais elles ont contribué à minimiser le nombre de cas (environ 104 cas confirmés et 11 décès en date du 25 juin) aux Bahamas.  De plus, leur système de santé est très limité et le pays n’était pas en mesure de prendre de chance.  L’impact économique est majeur, comme partout ailleurs mais les Bahamas s’en remettront quand le tourisme pourra reprendre.  Nous avons été également impressionnés par leur système scolaire.  Dès que le lock down a été décrété, le Ministre de l’éducation a mis en place l’école à distance pour les élèves, par le biais de la télévision et d’internet, afin d’assurer le maintien de l’enseignement.  On regardait la situation au Québec et on se disait que somme toute, nous étions assez bien aux Bahamas.

Revenons-en au fameux protocole. Après la nouvelle encaissée, la communauté locale s’est activée et en moins de 24 heures, nous avions un tout nouveau système en place pour s’approvisionner. Tout passera désormais par la livraison au bateau. Roston MacGregor, un local, s’est procuré un petit bateau de livraison afin d’aider gratuitement les plaisanciers à obtenir leurs provisions, disposition des déchets, livraison d’eau potable, remplissage de propane, etc…Exuma market a également débuté rapidement la commande en ligne et la livraison au bateau. Nous avons été très impressionnés et touchés par la grande solidarité des gens des Exumas. Fluffy a même trouvé le moyen de faire une infection urinaire et en moins d’une journée, nous avions des médicaments pour elle livrés au bateau en plein lockdown.

Rendu là, nous sommes environ une centaine de bateaux dans l’ancrage et la vraie quarantaine commence.

Au moins, nous avons reçu notre prolongation de visa jusque vers la mi-mai alors le stress était moins présent. Nous avons donc décidé d’en profiter malgré le fait que nous ne pouvons pas sortir du bateau. Nous avons beaucoup relaxé, lu, cuisiné, essayé de jardiner, joué avec Fluffy à la balle à l’intérieur du bateau, fait des tournois de Monopoly deal, fait des tours du voilier en nageant, appris un peu d’espagnol et écouté du Netflix.

Presque chaque jour, deux dauphins viennent nager avec nous à côté du Air Cool. Ils semblent beaucoup apprécier de nager avec Fluffy. Une fois, le Capitaine et Fluffy nageaient à côté du bateau et un gros poisson gris est arrivé subitement. Marc-André a sorti le chien à bouts de bras de l’eau en me criant de venir la chercher pour la remonter dans le bateau. Fiou.. c’était nos amis dauphins et non pas un requin qui se cherchait un amuse-gueule poilu.

Nos amis dauphins

On doit faire notre lavage à la main et au siphon, au moins ça fait faire de l’exercice. On aime ça voir le bon côté des choses sur le Air Cool 😂.

Chaque matin, nous écoutons le cruisers net au channel 72 sur la radio VHF en prenant notre café et en déjeunant. Nous remercions grandement Emily et Clark Willix pour ce morning net, qui nous faisait sentir moins seuls. Si vous voulez voir ce qu’a l’air un morning net vraiment bien fait: https://youtu.be/AzQFqS-qj8

Il ne se passait normalement pas grand-chose d’autre de la journée et à part les contacts avec nos proches en facetime et au téléphone, c’est la seule interaction sociale que nous avons pour un bout. Et avec deux dauphins.

Nous avons vu des merveilleux couchers de soleil et Marc-André a même pris sa douche pendant le début de la tempête tropicale Arthur. Tu es un vrai pirate maintenant.

Au bout d’un certain temps, on commence à reprendre espoir et entrevoir que notre voyage de rêve est encore possible. En effet, Grenade annonce qu’ils vont ouvrir aux plaisanciers avec plusieurs modalités dont une quarantaine de 14 jours et un test négatif de COVID à la fin de la quarantaine. On s’inscrit où? Avec nos amis de Point Final, on est super énervés parce finalement on va vraiment aller à Grenade en 2020. Pierre et Louise sont à New Providence (Nassau) et ne peuvent pas bouger depuis un certain temps eux aussi. Heureusement, nos appels téléphoniques réguliers permettent de garder le moral et de croire en notre rêve commun d’aller à Grenade cet été.

L’idée d’une flottille est déjà dans l’air parce qu’aller à Grenade à partir des Bahamas, c’est toute une navigation. Notre projet initial lorsque nous sommes partis du Québec était de descendre tranquillement les iles de l’archipel des Caraïbes pour arriver à Grenade vers le 1er juillet afin de s’y abriter pour la saison des ouragans 2020, qui s’annonce plus intense que la normale. Êtes vous surpris? Donc notre plan était de faire des courtes navigations de jour entre les iles. Merci COVID, aucune ile n’est ouverte alors on devra faire de très longues navigations assez éprouvantes. C’est plus ou moins 1000 miles nautiques (1800km) à partir des Bahamas. Pour vous donner une idée, c’est environ l’équivalent de partir du Lac Champlain et d’aller à Fort Lauderale en voilier, mais cette fois-ci dans l’Océan au lieu de passer à l’intérieur des terres. Le fait de voyager plusieurs bateaux ensemble est plus sécuritaire et rassurant, surtout avec les navigations à venir. Tout le monde a certaines forces, que ce soit en mécanique, météo, navigation, etc… et pourront en faire bénéficier les autres.

Nous décidons donc d’organiser cette flotille en collaboration avec un autre bateau Canadien qui s’appelle Mohini. Len, Shelley et leurs deux petites filles sont sur ce catamaran et ont le même plan de navigation que nous. Le tout s’organise rapidement et nous sommes finalement huit bateaux dans la flotille. Nous réussissons à sécuriser un arrêt à Turks and Caicos (Merci Dave et Renee sur Alegria) et à Puerto Rico afin de pouvoir remettre du carburant dans nos bateaux et se réapprovisionner avant le grand voyage vers Grenade.

Nous avons vraiment pris conscience que nous ne rêvions pas et que nous allions vraiment partir vers Grenade quand nous avons vu nos amis Louise et Pierre arriver à George Town sur Point Final!. Retrouvailles après plus de 4 mois avec nos amis.

Nous sommes à nouveau autorisés à aller à terre vers le 23-24 mai, après plus d’un mois de confinement dans le bateau. Nous faisons donc notre approvisionnement final et nous partons enfin de George Town le 26 mai en flotille à destination de Turks and Caicos.

Depart de la flotille, photo gracieuseté de Pierre et Louise sur Point Final

Et voici notre dernier lever de soleil sur les Bahamas, après y être restés plus de 6 mois.

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