Les hauts et les bas dans la Baie de Chesapeake

« Il existe un état normal et stable pour toute pièce d’équipement, appelé la « panne« ; et un autre état très fragile et instable, appelé « état de marche » . »

Luc Bernuy citant le Principe d’Antoine dans L’Intracoastal, le guide 4e édition

15 octobre, on se lève à l’aube afin de s’assurer de traverser la Baie du Delaware en une seule journée, car elle est réputée extrêmement traître et c’est la seule fenêtre météo acceptable pour plusieurs jours. Marc-André doit littéralement me tirer du lit. Déjà que je n’endure plus depuis un petit moment la sonnerie d’un cadran, me lever à cette heure-là dans le froid, en plus encore brûlée de la traversée dans l’Océan Atlantique de la veille pour faire une autre grosse journée de navigation dans un environnement hostile… Je suis habituellement d’un tempérament assez agréable mais tous les ingrédients étaient réunis pour une mauvaise humeur garantie! Pauvre Capitaine… My god que ça ne me tentait pas.

Après que Marc-André ait réussi à me faire habiller (en vêtements chauds et mous qui ne matchent pas nécessairement), on doit partir en dinghy pour faire faire les besoins de Fluffy à terre. Je le rappelle, il fait toujours noir et froid. J’ai toujours ma baboune. Le bonheur. Lorsque nous revenons à notre ancrage, presque tous les bateaux sont partis car nous avons à peu près tous le même programme pour la journée.

On ne prend pas de chance cette fois-ci et on prend préventivement des médicaments contre le mal de mer, car on dirait que nous n’avons pas tout à fait autant le pied marin qu’à l’habitude. On lève l’ancre rapidement et on part. Lorsque nous sortons de Cape May, le Capitaine me demande de tracer une route afin de couper l’entrée de la Baie par les haut-fonds au lieu d’aller passer par le chenal balisé. Cette route nous permet d’économiser environ 2 heures de navigation alors une fois cela expliqué, je m’empresse de tracer une route une fois que je me suis assurée qu’il y a assez d’eau.

La navigation commence assez bien, on voit même des dauphins qui viennent nous dire bonjour tout près du bateau. Par la suite ça devient un peu plus sportif, nous avons environ 4-5 pieds de vagues courtes qui passe par-dessus le devant du bateau. Fluffy se fait même arroser le toupet par une grosse vague et elle a eu l’air tellement insultée que j’en ris encore. Marc-André est à la barre et moi je m’endors malgré le fait que ça brasse, car je suis absolument non fonctionnelle. Je me fais même niaiser par le Capitaine.

Des dauphins!

Marc-André doit éviter ses premiers « Crab pot », soit des paniers pour la pêche au crabe et que l’on voit souvent à la dernière minute. Sinon, la navigation voile-moteur afin d’aller le plus vite possible est vraiment agréable, on fait même du 8,5 kn, ce que Air Cool n’avait encore jamais atteint. Une vraie fusée. Ok ça équivaut environ 15 km/h mais pour nous en voilier c’est vraiment rapide surtout, pour le plan que nous avons cette journée-là. On voit pendant super longtemps une centrale nucléaire, clairement celle des Simpsons.

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Centrale nucléaire de Springfield dans les Simpsons

On arrive au bout de la Baie vers 15h30 et on rush notre vie jusqu’à un ancrage protégé, que nous avions repéré pour la nuit que nous espérions déjà réparatrice, soit Chesapeake City dans le C & D Canal qui permet ensuite d’entrer dans la Baie de Chesapeake.

En arrivant à notre mouillage, ce dont on se doutait s’est avéré, à savoir qu’on était une gang à avoir la même idée pour le mouillage de ce soir, car il n’y a pas beaucoup d’options disponibles sur cette route. On repère un trou dans la petite baie mais un peu trop proche pour notre confort de plusieurs autres bateaux. On se dit que les bateaux se mettront tous face au vent donc tourneront dans la même direction s’il y a lieu, car en ce moment c’est très calme et la météo ne prévoit rien de majeur. Il est rendu tard, il fera nuit dans quelques minutes.

Peu après avoir fermé le moteur, une dame qui a un voilier de genre 60 pieds ancré en plein milieu de la petite baie ou nous étions nous avise ainsi qu’un voilier ami, que le courant de marée ici est très fort donc que celui-ci fait tourner les bateau dans n’importe quel sens et que la nuit dernière elle avait presque touché le bateau voisin. Notre voilier ami était entre les deux… alors il n’a pas eu trop le choix et il s’est déplacé. Elle nous a conseillé de faire de même mais on en avait notre claque et on s’est dit qu’on allait veiller (on n’inclut pas la personne qui écrit, elle était déjà en pyjama prête à se coucher).

Encore un petit peu de technique très simplifiée, lorsqu’il y a du courant, normalement celui-ci domine le vent. Ce qui est un peu embêtant avec cette situation, c’est que tous les bateaux ne virent pas en même temps. Tu peux donc te retrouver face à face ou face-coté, etc…. Le Capitaine a donc mis son cadran cette nuit-là environ à tous les 15 minutes afin de s’assurer que tout était correct. Après une autre nuit mouvementée, on voulait partir dès 8h de cet ancrage infernal mais il y a trop de brouillard. Certains bateaux s’essaient mais rebroussent chemin afin de revenir dans la petite baie car ils n’y voient rien. On entend à la radio que le Canal est fermé à la navigation.

Vers 9h30, on décolle pour notre prochaine étape, soit pour aller en direction de Georgetown Yacht Basin à une boule d’ancrage afin de s’abriter des forts vents (ben oui encore…) prévus pour plusieurs jours. On pourra se remettre de nos émotions des derniers 48 heures et se reposer car on en a bien besoin. On navigue dans l’humidité et sous une pluie battante, tout en évitant des « crab pot ». Fluffy embaume tout le bateau de sa senteur. En plus, elle est fatiguée elle aussi.

Vers 15h, on arrive à Georgetown Yacht Basin, on agrippe avec succès la boule d’ancrage et Marc-André s’effondre pour une sieste. On y passe quelques jours confortables avec nos amis Louise et Pierre de Point Final!. Bonne bouffe, bon vin et surtout bonne compagnie.

21 octobre, fête de ma soeur, autre événement pour lequel on est pas présents… On quitte Georgetown pour Annapolis, capitale de la voile de l’est des États-Unis. Nous y passons quelques jours très agréables. Il y a des bons restos, de l’action et des superbes bateaux. Ça fait du bien. Nous dormons à côté de l’Académie navale et le matin dès 8h l’hymne national américain joue lorsque nous prenons notre café. Pas de doute, nous sommes loin de chez nous. Nous avons même croisé par hasard un couple qui nous a beaucoup inspiré pour se lancer dans notre aventure et dont on fait référence dans notre premier article de blog, soit La Vagabonde https://www.youtube.com/channel/UCZdQjaSoLjIzFnWsDQOv4ww .

Ils déjeunaient juste derrière nous! Le Capitaine était bien fier de sa photo.

25 octobre, nous devons quitter Annapolis car nous avons rendez-vous pour faire réparer notre ?&%?%?&$%& de radar en priorité lundi le 28 octobre. Marc-André a trouvé de peine et de misère une entreprise certifiée par la compagnie Simrad qui est le manufacturier du radar et celle-ci se trouve à Cambridge (mid-Shore Electronics), donc sur le côté est de la Chesapeake.

Nous avons une navigation agréable, toujours parsemée de « Crab pot » pour nous garder alertes. On commence à être un peu stressés par l’arrivée au quai. Ici les quais n’ont pas de taquets comme nous sommes habitués plus au Nord, ce sont plutôt des poteaux de bois sur lesquels tu attaches tes amarres, tout en prévoyant que tu dois laisser assez de « lousse » pour les marées montantes et descendantes.

Également, nous devons faire lever notre premier pont, ce qui est encore du nouveau. Finalement, nous arrivons et nous faisons lever le pont. La « marina » ou on doit faire réparer le radar se trouve tout de suite après et ho surprise, le gérant nous fait signe de nous accoster à côté d’un gigantesque catamaran, car c’est le seul emplacement disponible. Hé boy. L’espace est restreint et nous avons toujours à l’esprit notre mésaventure de Croton-Ville. Par contre, l’équipe au complet est sur le quai pour nous aider et ils vont même sur le catamaran pour être certains que tout se passe bien. Le Capitaine, qui a des nerfs d’acier comme à l’habitude s’accoste par derrière, à noter que nous n’avons pas de propulseur d’étrave (c’est une hélice à l’avant du bateau qui permet de le déplacer de gauche à droite donc ça facilite les mouvements) alors c’est pas super évident à manœuvrer, mais tout se passe bien. Je me permets de dire que je suis impressionnée. Voyez par vous-même.

Si vous regardez bien vous me voyez toucher au Catamaran voisin

Une fois accosté, on décide de partir à l’aventure avec Fluffy afin de se dégourdir les pattes et les jambes et d’aller au Marché local pour le souper car je fais une fixation sur un spaghetti et on n’a pas de pâtes longues en stock.

Toute une expérience. Tout d’abord il faut savoir que le Maryland est un ancien état esclavagiste et ça se sent encore. Les blancs et les afro-américains ne se mélangent pas beaucoup et ils semble y avoir des rues désignées pour chacun, ou tu ne t’aventures pas nécessairement si tu n’as pas besoin. Information que nous n’avions pas. Google map nous fait passer par certaines rues ou nous ne sommes clairement pas les bienvenus. Il est évident que le chien ne provient pas du quartier et nous non plus. Juste devant le Cimetière, un homme nous a même fait volontairement sursauter en nous criant un gros « Bouh ». J’ai failli faire une crise cardiaque.

Au Marché local, qui est un genre de gros dépanneur moyennement propre avec des gros bocaux de pieds de porc marinés et plein d’autres trucs qu’on n’est pas trop habitués de voir, je trouve des pâtes longues mais quand je demande à la caissière ou sont les « french baguette » (pour accompagner mon spag), elle me regarde comme si j’étais une extra-terrestre et me dit:  » non mais j’ai des pains à hot-dog… »OK. Faut que je me mette à niveau haha, je devrai faire mon deuil de « french baguette » pour quelque temps.

Vu qu’on est à quai, on en profite ça fera du bien pour quelques jours. On peut débarquer du bateau à volonté et on encourage l’économie locale et ses restos. Les fruits de mer sont à l’honneur et nous trouvons même une petite microbrasserie super sympathique ou ils brassent de l’excellente bière.

D’ailleurs ils nous reconnaissent maintenant à ladite Brasserie, le barman Cardi est devenu notre ami et demande des nouvelles de l’avancement de la réparation. Parce qu’on a vraiment des délais dans la réparation de notre radar. C’est le dôme du radar (la boite qui est au mât) qui est défectueux et il n’est toujours pas arrivé en date de ce jour. Il devrait arriver demain 6 novembre donc si tout va bien on espère partir d’ici la fin de la semaine. On aura donc passé 2 semaines à Cambridge, une chance qu’on est partis tôt du Québec. Le froid commence à nous rattraper. On a recommencé à dormir avec nos tuques/hoodies et on vérifie pendant la nuit que le chien est toujours abrillé avec sa couverture question qu’elle ne meure pas de froid pendant la nuit haha. Surtout, on voit tous nos voiliers amis et les gens du Québec qui sont partis avant et après nous qui sont maintenant beaucoup plus au Sud, mais on garde le moral.

Pendant ce temps, on fait les touristes, j’ai même convaincu Marc-André de faire une visite des sites historiques de Cambridge à la marche. Ce qui consiste en gros à regarder des sites historiques qui semblent tous plus hantés les uns que les autres en plus d’un cimetière. Pis il était content. C’est pour vous dire qu’on est vraiment dus pour partir.

Et pour rester dans le thème, question d’avoir vraiment peur pour l’Halloween, on a eu droit à une alerte de tornade (une autre première). Ça a définitivement été le plus épeurant Halloween de notre vie… On a enlevé toutes les toiles du bateau, on a doublé les amarres, on s’est mis un film d’horreur, on s’est commandé une pizza et on a prié.

Finalement nous n’avons eu que des très gros vents et une très mauvaise nuit de sommeil. Que d’aventures…